vendredi 25 novembre 2016

Modèle de Dissertation

Plan dialectique
Ex.: «  Mieux vaut un esprit bien fait qu’un esprit bien plein »

La dissertation

Partons de la phrase suivante: « Mieux vaut un esprit bien fait qu’un esprit bien plein »
INTRODUCTION:
1- DEFINITION DE L’ESPRIT BIEN FAIT
Traits caractéristiques: conception nette; raisonnement juste; jugement sûr.
Résultats: esprit qui saisit promptement les rapports entre les choses; qui comprend les enseignements du passé et qui prévoit les répercussions du passé et du présent sur l’avenir.
DEFINITION DE L’ESPRIT BIEN PLEIN
Traits caractéristiques: mémoire fidèle, érudition, connaissances livresque, culture générale
Résultats: raisonnement hasardeux; idées toutes faites; jugements préfabriqués; mode de penser mécanique, doctrinaire.

Développement


La Thèse
1- avantages de l’esprit bien fait
Renforce le jugement, acte essentiel de l’intelligence;
le jugement caractérise l’homme, constitue le fondement de sa personnalité;
Un esprit bien fait montre les enchaînements, les raisons;
Il tire des idées ou des faits les conséquences et les leçons utiles;
Un tel esprit permet de voir clair, d’agir vite et bien dans toutes les situations, de se conduire avec sagesse et prudence;
De se diriger et diriger les autres à bon escient;
Il constitue la base de la conduite des hommes, sur le plan individuel et social.
inconvénients de l’esprit bien plein.
Il repose sur la mémoire à cela empêche l’individu de penser par lui-même à ce qui le conduit au dogmatisme.
La mémoire ne peut que restituer ce qui est déjà acquis;
Elle fait simplement mieux connaître ce que l’on sait déjà;
Elle s’oppose à la libre recherche;
On accorde pas une attention suffisante aux circonstances présentes, actuelles, à venir, qui commandent les événements.
L’esprit bien plein est embarrassé pour choisir, décider en dehors de ce que d’autres ont dit ou pensé;
Il hésite là où il faut prévoir, d’appliquer ses connaissance dans la vie pratique;
Une mémoire trop charger peut atrophier le jugement à l’homme est de suite déclassé et devient inapte à  se diriger soi-même et à diriger les autres.
L’Antithèse.
1- nécessité d’une mémoire fidèle
La mémoire est nécessaire au raisonnement par analogie, par induction;
Les souvenirs et les acquis sont indispensables au bon fonctionnement de l’esprit humain;
La mémoire est nécessaire au jugement qui repose sur des combinaisons d’éléments divers (rappel des faits analogues, comparaison, etc.);
Pour établir des rapports et juger avec exactitude, il faut rapprocher les éléments que nous fournit la mémoire, confronter les souvenirs;
ÒLa Synthèse
ÒIntérêt à avoir l’esprit bien plein en même temps que bien fait
ÉPour y arriver il faut savoir marier les faits acquis et stockés dans la mémoire (enseignements, lectures…) et les faits observés (expérience personnelle, celle des autres)
ÉIl faut s’entraîner à discerner les faits, à les classer, à dégager des lois, des idées et à les résumer en une seule formule;
ÉIl faut exercer le jugement pour assouplir l’esprit tout en développant la faculté d’apprécier, de juger…exactement
Éconclusion
Résumer des preuves et des réserves.
Il y dans le libellé une part de vérité et une par d’exagération (excès de simplification). Ce qui est le cas des phrases concises.
Le jugement droit doit être mis en évidence (c’est l’esprit bien fait). C’est la qualité même de toute personne de valeur.
Mais la mémoire en constitue la matière.
Il faut donc posséder le fond (la matière) et aussi disposer de la méthode (la manière) de tirer le meilleur parti de son bagage;
Il faut être capable de gérer le capital conservé par la mémoire.
Élargissement du point de vue
Le jugement doit être exercé plus que la mémoire car il est d’un fonctionnement plus délicat;
On peut se passer de la mémoire et la remplacer par des notes, des fiches, des dossiers.
On ne peut se passer d’un bon jugement (il est lié à la personnalité). D’où la nécessité d’exercer le jugement plus que la mémoire. Tel est le sens profond de la maxime.  



« Orient/Occident : Représentations croisées »
Colloque international 2 et 3 avril 2015
Faculté des lettres de  l’université Cadi Ayad de Marrakech, Maroc

ORIENT/OCCIDENT[1], REGARDS CROISES ET VEILLE INTERCULTURELLE:
 VERS UNE MÉDIATION  PAR L'ALTER-EGO.

Pr. Mohamed MARTAH
Faculté des lettres – Université Cadi Ayyad- Marrakech
Département Langue et littérature françaises.

Abstract :

La relation Orient/Occident est désormais à traiter sous le signe de la complexité. Outre les discours produits autour de la question ayant le plus souvent versé dans le sens de l’exotisme, parfois de l’émerveillement et souvent de la réduction à ce que l’autre n’est pas forcément, il existe d’autres moyens d’appréhension notamment l’examen interculturel  qui propose un meilleur traitement du  malentendu culturel par un procédé de veille relationnelle se basant prioritairement sur la mise en place de l’alter-ego.
De la théorie à la pratique, une multitude d’idées tantôt en péril, tantôt se conjuguant dans la difficulté ou dans la courtoisie du vis-à-vis, se cherchant à travers des regards croisés, furtifs, malins, voyeurs, inquisiteurs ou moqueurs est prise en charge par une intellectualité contemporaine allant dans le sens de la complexité (E. Morin), de la médiation (B. Lamizet), de la remise en cause du modèle regardant (A. Touraine), de l’autre moi-même (P. Ricoeur) et de l’égard éthique (T. Ramadan).
Des textes de sociologie, de philosophie, de littérature seront soumis à notre curiosité intellectuelle pour y puiser les fondements théoriques de cette communication qui se veut une critique virulente de l’actuel désordre causé par une mondialité aveugle et aveuglante. La critique portée sur cet aspect de la question n’épargnera pas le silence des intellectuels, en leur qualité de médiateurs, en face de l’empire médiatique, désormais seul pouvoir interprétatif orienté vers la concrétisation d’objectifs spécifiques autorisant l’ingérence et l’interventionnisme.

ORIENT/OCCIDENT, REGARDS CROISES ET VEILLE INTERCULTURELLE:
 VERS UNE MÉDIATION  PAR L'ALTER-EGO.
Deux espaces géographiquement éloignés, mais oh ! Combien proches par l’histoire ! Une  histoire traversée de bout en bout par des conflits millénaires, par des influences mutuelles en tous genres, par des commerces marchands et intellectuels, par des voyages multiples et fructueux, et ce depuis les voyages de Marco Polo et ses descriptions du monde oriental, notamment dans Le livre des merveilles du monde (1298). Une rencontre avec l’un ou l’autre espace suscite des imaginaires croisés, versant tantôt dans la sensualité enchanteresse et créatrice de textes littéraires d’une beauté inégalable (en témoignent les Voyage en Orient des Gustave Flaubert, Alphonse de Lamartine,  Gérard de Nerval, Victor Hugo, Hermann Hess), dans des fantasmes ensorcelants ( trésors imaginaires et amours perdus), dans des  anathèmes risqués et dangereux (le déshumanisation systématique du « sauvage ») et dans des épanchements religieux nostalgiques (Orient des premières églises chrétiennes). 
A travers  ces égarements, il y a une histoire d’amour impossible, tragique et indicible. Le regard séducteur est favorisé par l’attrait que suscite l’imaginaire débridé malgré le lointain  voisinage géographique. « La séduction, comme l’écrit Jean Baudrillard, représente la maîtrise de l’univers symbolique, alors que le pouvoir ne représente que la maîtrise de l’univers réel »[2]. Ayant cette qualité de maîtrise symbolique, la littérature, la peinture et les récits de voyage ont produit du sens à propos de cet Orient mystérieux que le politique et l’économique ont déjà exploré. Cette  proximité immédiate, dangereuse et reculée engendre pourtant une somme d’informations extérieures où foisonnent stéréotypes et clichés souvent caractérisés par leur platitude, leur banalité, leur facilité et leur dangerosité.
 La communication entre ces deux espaces est désormais bruitée par de multiples interprétations et surinterprétations  qui ne font qu’augmenter en intensité  les disjonctions/ réductions (selon les termes E. Morin) et qui appauvrissent notre perception de tous les univers à commencer par celui  dans lequel on se trouve. N’est-il pas vrai que « Nous sommes tous unis dans une même aventure… et ceci dans toutes nos différences  [?]»[3]
  Les regards se croisent et des fois s’interdisent de se saisir pour s’auto contempler dans un narcissisme egocentrique et surtout dépréciatif  de celui désigné comme  dissemblable. Selon Georges Corm, l’Occident est seul responsable de cette rupture artificielle  qui tend vers  l’asservissement de l’Orient au colonialisme annoncé par les Lumières qui ont consacré l’occidental comme descendant d’une race supérieure parce que parvenu à un développement technique et scientifique avéré. Au même moment, il  refuse de reconnaître à l’Orient sa tolérance religieuse, sa richesse scientifique, sa culture florissante au moins jusqu’au XIXème siècle surtout avec l’Empire ottoman
Il est très vrai qu’il s’agit en premier lieu de regards et regards entrecroisés jusqu’ à une éventuelle hybridité de l’acte de voir. Mais, il s’agit surtout de perception qui suppose la collecte et le tri d’informations de la part du  regardant au sujet de l’objet regardé dans un espace donné. « La perception de l’espace, écrit Edward T. Hall dans La dimension cachée, n’implique pas seulement ce qui peut être perçu mais aussi ce qui peut être éliminé. Selon les cultures, les individus apprennent dès l’enfance (…) à éliminer ou à retenir avec attention des types d’information très différents »[4]. Les voyageurs étaient les premiers  à entrer en possession du monde  par leurs sens, mobilisant ainsi le regard et la mémoire avant de mettre en textes leurs récits de voyages et de perdition dans les méandres de ces univers jusque-là  inconnus et bientôt fantasmés : Bagdad, Le Caire, Samarkand,  Alep, Damas, Jérusalem, Tabriz…et bien loin encore : en Turquie, en Chine et en Mongolie, là où la description se mêle  au rêve et à l’envoûtement. Ce qui va donner lieu à un imaginaire occidental débridé, de telle sorte que chaque occidental cherche à avoir chez soi un Orient en miniature, objet de rêves exaltés à façonner à l’infini, jusqu’à la démesure. La miniature est certes une représentation plus belle des choses mais plus économe en détails et  en significations, donc elle demeure loin de la réalité. Il serait plus juste à ce niveau précis de se servir de sa propre culture pour regarder une autre culture, tout en apprenant à  se servir de ses moyens sensoriels combinés pour mieux appréhender l’espace, les mœurs, la croyance de l’autre : écouter avec ses yeux, voir avec son odorat, toucher avec son visuel, sentir avec sa peau, goûter avec son toucher[5]…pourraient nous permettre, chacun dans sa spatialité  intime, d’avoir une appréhension plus juste du territoire de l’autre. Cette façon d’appréhender le couple Orient/Occident est à concevoir dans la perspective d’une proxémique faite d’«opposition et de voisinage séculaires»[6] selon l’expression de Thierry Hentsch[7]. Une telle situation fait état  d’une « cohabitation  problématique de deux essences fondamentales qui s’influencent et se brassent réciproquement, dans la paix comme dans la guerre sans jamais se mélanger durablement »[8]. En effet, il ne peut y avoir de mélange durable que dans l’esprit linéaire  de personnes d’un optimisme monotone et trop insouciant de la réalité qui a toujours été faite de conflits et de malentendus culturels et qui nourrit de mille feux les écarts arbitraires entre un Occident dit supérieur, libre, laïc, développé et un Orient considéré inférieur, soumis, religieux, archaïque.
 Il est question désormais de la complexité (au sens que lui donne E. Morin : complexus, i.e. ce qui est tissé ensemble)[9] dans cette relation Orient/Occident  faite essentiellement d’éléments hétérogènes, distincts à tous les niveaux : la religion, la science, la politique, la culture, les valeurs, les libertés, les senteurs et les sensations doivent subir un traitement autre que celui de l’exception. La complexité est à rechercher dans l’histoire commune : «la pensée complexe est tout d’abord une pensée qui relie »[10]. Elle  fonctionne d’une manière inclusive dépendante et autonome en même temps, elle se présente comme « une causalité en boucle »[11]. L’un ne peut être sans l’autre, Orient et Occident[12]  croisent leurs regards et se reconnaissent l’un dans l’autre par principe dialogique (celui de Bakhtine pour lequel pour être il faut au moins être double) et par corrélation dialectique. « L’unité d’un être, d’un système complexe, d’une organisation active n’est pas comprise par la logique identitaire, puisqu’il y a non seulement diversité dans l’un, mais aussi relativité de l’un, altérité de l’un, incertitudes, ambiguïtés, dualités, scissions, antagonismes »[13]. Ce qui est valable pour un être, l’est tout autant pour une entité géographique désignée  par opposition arbitraire à une autre (Nord/Sud ; Est/Ouest), ce qui nous permet sans difficulté  d’appliquer cette approche à la jonction Orient/Occident où l’un comme l’autre vivent dans « l’illusion de l’identité »[14], où la règle est l’autonomie et l’autosuffisance  par rapport à autrui. La solution selon E. Morin est d’accepter que le TOUT soit plus que la somme des PARTIES : « non seulement les parties sont dans un tout, continue E. Morin, mais que le tout est à l’intérieur des parties »[15]. En effet,  toute identité est utopique et ne peut être pleinement que dans et par sa complexité en tant que dynamique  de alter-ego qui considère l’autre comme partie de soi et  qui se différencie catégoriquement du « clonage – forme limite de l’auto-séduction : du Même au Même sans passer par l’Autre »[16]. Le fait de fonder sa conception du monde sur l’exception identitaire ressemble au  clonage qui consiste à reproduire le même du même sans avoir besoin de l’autre qui vit dans et par la variation, son altérité. N’est-il pas vrai que « souvent, des réalités présentes mais non valorisées dans notre culture deviennent invisibles à notre regard »[17], mais une fois confrontées à la différence, elles se révèlent d’elles  mêmes comme par enchantement.
Il est en outre important de soumettre l’adjonction Orient/Occident à une sorte d’examen interculturel pour voir quelles sont les frontières véritables  quand il s’agit de mettre face à face ces deux entités géographiques. En revenant à l’histoire, nous trouvons que les hommes à l’intérieur de leur ethnicité, propre ou partagée, ont toujours fait l’objet de suspicions, de dénigrements, de réductions, de déportations, de deshumanisation, d’exclusions. Il s’est avéré que la somme de toutes ces images projetées a donné lieu à un malentendu culturel qui s’est soldé par des génocides, des guerres, des colonisations, des excommunications, bref des atrocités commises au nom de la religion, de l’expansionnisme colonial, voire au nom des Lumières[18]. La frontière, à l’origine de cet examen interculturel, peut être dans plusieurs cas, associée à cet exotisme fantasmé, enveloppé dans une sorte de stéréotype et qui rentre dans les expressions consacrées d’une manière définitive, parce que trop simplifiées.  Qu’il s’agisse de l’esclavagisme, du colonialisme, de l’interventionnisme, il ne sera toujours question que d’une sorte « d’état de guerre continué, que [de]  réitération (…) d’un rapport de force»[19].                              
 En effet, nous aurons à répondre à la question de savoir si cette relation fait état d’une « fracture imaginaire » comme le pense Georges Corm[20], ou d’une relation réelle en mal de reconnaissance de l’Occident à l’Orient, comme le défend Theirry Hentsch ou encore d’un choc civilisationel comme le postule Samuel Huntington.
Georges Corm signale  que depuis l’effondrement de l’URSS, l’Occident ne pense plus le monde que d’une manière binaire : bien/mal ; civilisation/barbarie ; modernité/tradition ; réussite/échec. A ce propos, Jean-François Daguzan, dans une présentation du livre Orient-occident, la fracture imaginaire, écrit ceci : « Avec cette dichotomie érigée en dogme, l’Occident n’a plus comme issue que de renvoyer la pensée de l’autre à la confrontation ou au mépris. L’incompréhension, la négation et le rejet deviennent alors le mode usuel de communication »[21]. La fracture imaginaire dont parle G. Corm se résume en cette incapacité pour l’Occident de se débarrasser, psychologiquement, de l’approche identitaire qui fait de lui le « modèle exemplaire et rationnel (l’ordre du bien) face à un modèle défaillant, brutal, inefficace et irrationnel (l’ordre du mal) »[22]. Une telle dichotomie nous la retrouvons bien décryptée chez Thierry Hentsch qui reconnait que la « civilisation [occidentale] qui a tant emprunté aux autres croit avoir tout inventé et ne veut surtout rien leur devoir »[23]. L’Occident se retrouve dès lors dans l’impossibilité de reconnaissance car « nous ne sommes, énonce T. Hentsch, véritablement prêts à accueillir l’autre que si cet autre perd son altérité, renonce à lui-même. Nous ne tolérons la différence que comme folklore, mais nous refusons absolument d’être troublés par elle »[24].
A peine sorti de sa guerre froide contre le communisme, emporté par sa nouvelle façon de regarder le monde, l’Occident américain s’est retrouvé  dans le besoin de refonder sa nouvelle identité basée prioritairement sur la notion de civilisation supérieure avec un déterminisme  historique et culturel et dont les logiques sont désormais : « l’extension du domaine du pouvoir de l’objectif vers le subjectif »[25], « individualisme », « libéralisme », « nous » et les « autres », « avec nous ou contre nous » et c’est l’avènement du néo-conservatisme, exprimé à travers The Clash of Civilisations and the Remaking of World Order, qui va jeter les bases conceptuelles et théoriques de la nouvelle tendance en matière d’hégémonie et d’ingérence. Pour S.P. Huntington, le monde n’est pas « un » et les civilisations c’est ce qui crée des conflits entre les hommes. Tout en défendant l’idée du Modèle et celle de la civilisation supérieure,  il nous introduit dans une logique de fractionnement : ma culture/ta culture ; ma religion/ta religion ; ma langue/ta langue…ce qui constitue aujourd’hui une aberration conceptuelle, puisqu’il est  impossible de retrouver  toutes les influences originelles ayant participé activement à cette dynamique internes des cultures, devenue arlequinées, et à leur emboitement jusqu’à la transmutation.
Aujourd’hui, nous constatons avec stupeur et incompréhension ce grand désordre causé par une mondialité aveugle et aveuglante. Elle s’inscrit délibérément dans ce rapport Orient/Occident qui continue, au nom de l’idéologie du « monde libre », à consacrer la différence et l’identité comme critères de traitement de la relation avec l’Autre. C’est le retour, donc, après des centaines d’années de brassages culturels et de métissage, aux formes monolithiques en matière de représentation et de pensée surtout géostratégique et économique. Objectif : achever la mise en place de la mondialisation économique et culturelle  en instaurant un nouvel ordre mondial qui impose d’autres frontières/fractures surtout entre  les « civilisations et notamment (…) entre la civilisation musulmane et la civilisation occidentale »[26]. Dans l’état actuel des choses –concernant cette dichotomie Orient/Occident- le système occidental se globalise, ce faisant il devient moins paisible (à en juger par le nombre de conflits régionaux auxquels nous assistons depuis la fin du XXème Siècle jusqu’à ces quinze dernières années) et en se globalisant il impose son « totalitarisme » contre lequel il devient de plus en plus impossible de lutter. Un totalitarisme qui s’exprime à travers une double hégémonie politique et culturelle et qui impose son système de pouvoir à travers sa puissance médiatique c’est-à-dire sa « capacité à construire des opinions »[27].  Lors de sa conférence dans le cadre des Tribunes de Marrakech, Alain Touraine pose cette question : « Y a-t-il une force dans le monde capable de s’opposer au pouvoir totalitaire ? »[28]. La réponse « pratique » selon A. Touraine, réside dans le concept de « dignité » qui est perçue comme la « réponse globale au totalitarisme global (…) et comme la conscience de la conscience que nous avons à opposer au pouvoir total »[29]. Cette dignité dont parle A. Touraine s’exprime dans la violence à opposer désespérément à l’Occident qui impose une loi, « un système de valeurs univoque et à prétention universelle ainsi qu’une idéologie économique surdominante »[30]  et qui ne comprend pas les résistances ethnique, identitaire et religieuse de l’Orient. Ces résistances ont fini par  prendre des formes violentes, de ce qui est médiatiquement connu sous l’appellation de « terrorisme ».
La solution à cette confusion chaotique réside fort certainement dans une reconnaissance élargie et inconditionnelle de toutes les composantes ethnique, culturelle et religieuse de la partie qui compose le tout, sachant que le tout est la somme de la somme de toutes ces particularités irréductibles. Ne pas confondre ou procéder au nivellement par le bas et rendre semblable les parties du tout, car ce serait les annuler tout simplement. « Certaines propriétés émergentes n’ont d’existence et de sens qu’au niveau du système comme totalité indivisible ; le degré d’autonomie dépend de la structure dans l’espace et le temps et de l’organisation logique de l’ensemble du système impliqué »[31].
C’est, en effet, l’idée que Tariq Ramadan et Edgard Morin ont développée lors de cette rencontre à Marrakech et qui a donné naissance Au péril des idées[32], à savoir « l’universalité de l’intime » ou « l’intime universel »[33] selon les expressions respectives des deux auteurs. Cette complexité est facile à comprendre puisqu’il s’agit de conjuguer les valeurs humaines (peu importent leurs natures) à un horizon universel, en d’autres termes il s’agit de « réapprendre à penser d’une manière plurale (et non unitaire) la pluralité »[34]. Dans ce processus de réapprentissage, une veille interculturelle, sorte de permanence vigilante, une appréhension positive vis-à-vis du dissemblable est requise et les amalgames et autres stéréotypes sont à bannir. Ceci viendrait à devenir réalité lorsque les intérêts économiques seraient équilibrés et lorsque le « deux poids deux mesures » viendrait à disparaître des agissements souterrains du nouvel ordre mondial.   Une médiation culturelle et politique est plus que nécessaire pour réhabiliter la relation Orient/Occident, et ce en raison de ce malentendu culturel généralisé et tentaculiforme qui nous donne à tous ce sentiment d’insécurité … de non paix…




[1] Orient de Oriens ou Orentis de Oriri (du  français du XIème Siècle)  signifie se lever. Occident (XIIème Siècle) du latin Occidens ou Occidentis signifie tomber.
[2] Jean Boudrillard, De la séduction, Orne, éditions galilée, 1979, p. 19

[3] Christoph Eberhard, Oser le plurivers : pour une globalisation interculturelle et responsable, Editions Connaissances et Savoirs, 2014, p. 13
[4] Editions du Seuil, collection « essais/points », 2014, p. 65
[5] C’est justement pour l’épanouissement de leurs sens que ces auteurs inconditionnels de l’Orient ont voyagé. Ils  s’y étaient rendus pour des images, des vibrations, des sensations, des fantasmes, des sonorités, des voix…des mots à mettre en textes.
[6] Theirry Hentsch, Orient-Occident : origines mythiques d’un couple réel (http://id.erudit.org/iderudit/701881)
[7] Professeur de philosophie politique à l’université de Québec à Montréal il l’auteur de l’Orient imaginaire, Editions de Minuit, 1988 ; Raconter et mourir ; Aux sources narratives de l’imaginaire occidental, Presses Universitaire de Montréal, 2002.
[8] Idem.
[9] Le mot « complexe » – du latin complectere: embrasser – est le contraire de simple, puisqu’il renvoie à l’idée d’éléments divers
       [10] La pensée complexe : Antidote pour les pensées uniques Entretien avec Edgar Morin in Synergies Monde N°4, 2008, pp. 249-262
        [11] Idem.
[12] « et «  n’est une simple adjonction, il est plutôt une cause/conséquence et inversement
[13] La pensée complexe : Antidote pour les pensées uniques, op.cit., p.251
[14] Idem.
[15] Idem.
[16] Jean Baudrillard, De la séduction, Op.cit., p. 227
[17]  Christoph Eberhard, Oser le plurivers : pour une globalisation interculturelle et responsable, Op.cit., p. 13
[18] Louis Sala-Molins dans son livre Le  code noir, écrit en 1987, condamne le silence des Lumières au sujet de l’esclavage systématique à l’encontre des noirs, et ce au nom d’une perfectibilité, afin de rendre plus parfait, c’est-à-dire réduire l’autre au même
[19] Carole Talon-Hugon, « D’un prétendu droit d’esclavage » in le français dans tous ses états N° 38 Esclavage et Abolition.(http://crdp-monpelier.fr/ressources/frdtse/frdtse38g.html )
[20] Orient-Occident, la fracture imaginaire, Paris, la découverte/ poche, « essais », 2005. Georges Corme, professeur libanais à l’Université Saint-joseph de Beirouth il est l’auteur notamment de l’Europe et le mythe de l’Occident, paris, la découverte, 2009.
[21] « Culture, civilisation, religion », In Politique étrangère, N° 4, volume 67, 2002, pp. 1069-1070 (http ://persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit.html) 

[22] Idem.
[23] Thierry Hentsch « entretien à propos de Raconter et mourir » par Alexandre Prstojevic,  in vox-poetica : lettres et sciences humaines (http://vox-poetica.org/revue.html)
[24] Idem.
[25] Alain Touraine, « Peut-on penser globalement le monde » conférence dans le cadre des Tribunes de Marrakech, organisé par l’Université Cadi Ayyad, faculté de Médecine le 13/02/15
[26] Mehdi Lazar, « (re)lire Huntington : ce que Le choque des civilisations nous apprend des Etats-Unis et de l’administration Bush jr » in La revue géopolitique, 25/11/2011 (http://diploweb.com/re-Lire-Huntington-ce-que-Le-choc.html )
[27] Alain Touraine, « Peut-on penser globalement le monde » Idem.
[28] Idem.
[29] Idem
[30] Jean-François Daguzan, « culture, civilisation, religion » à propos de l’essai de Georges Corm, Orient-Occident : la fracture imaginaire, Idem.
[31] Ali Aït ABDELMALEK « Edgar Morin, sociologue et théoricien de la complexité » Idem.
[32] Publié chez « Presses du Chatelet » 2014.
[33] Ibid., p. 166
[34] Christoph Eberhard, Oser le plurivers : pour une globalisation interculturelle et responsable, op.cit., p. 14